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Et si on changeait de stratégie sur le logement et la transition énergétique ?

 

 

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Il pestait en soulevant le carton de déménagement.

- Saleté de loi à la mort-moi-le-noeud !

Emilien était Ministre de l’ Intérieur. Il devait quitter sa jolie maison, entourée d’ un hectare de terrain à Fontainebleau, pour se reloger dans un duplexe de 60 m², dans un immeuble de 50 étages récemment construit. En effet, le Premier Ministre, appuyé par le Président de la République, avait réussi à faire voter une loi obligeant l’ ensemble des français à habiter au centre-ville de leur commune d’ habitation et/ou de leur lieu de travail. Cette décision devait permettre à chaque citoyen de réduire le plus possible les trajets de déplacement et de limiter l’ utilisation de son véhicule personnel (le parc automobile comprenant encore pour une large majorité des voitures diesel et à essence).

Sitôt la loi votée, un vaste chantier national fut lancé pour réhabiliter les logements des centre-villes (bâtiments publics inoccupés transformer en logements sociaux ou permettant de déménager ou d’ agrandir certains services publics qui étaient excentrés, et reprise de contacts avec les propriétaires de logements vacants pour soit y aménager, soit le vendre, soit le louer sous les trois prochains mois sous peine de saisi par l’ Etat), puis les pouvoirs publics incitèrent les commerçants et grandes enseignes à déménager dans le centre-ville ou proche, avant de lancer des chantiers de constructions dans les abords des centre-villes. Et afin de montrer l’ exemple, le Premier Ministre incita prestement à l'ensemble du gouvernement ainsi qu'à tous les hommes et femmes politiques du pays à déménager dans le centre-ville de leur lieu principal d’ activité professionnelle et de ne garder qu’ un seul logement, sous peine de sanction judiciaire.

Malgré les menaces, les deux chefs de l’ Exécutif tinrent bon. Toujours dans un soucis d’ exemplarité, le Président de la République et le Premier Ministre avaient loué leurs propriétés excentrés de Paris et pris comme résidence principale et unique le Palais de l’ Elysée pour le Président de la République et l’ Hôtel Matignon pour le Premier Ministre. Puis, ce fut au tour des Ministres, membres des cabinets ministériels, etc.

Emilien ne pouvait prétendre à demeurer au Ministère de l’ Intérieur étant donné que certains services excentrés ont dû intégrer les locaux du Ministère comme la DGSI qui a dû déménager de Le Vallois-Perret ou encore la Direction Générale de la Gendarmerie Nationale qui a dû déménagé d’ Issy-les-moulineaux. Cette situation, qu’ il vivait comme une profonde injustice, lui était encore plus pénible sachant qu’ il était obligé, au vu de sa fonction, de faire respecter cette loi dans la France entière via les préfectures et sous-préfectures du pays. Certains préfets ont voulu lui exprimer en personne leur profond désaccord et leur refus d’ appliquer ce qui était perçu comme un "odieux chantage". Ravalant ses opinions personnelles, il se contenta de rappeler que cette décision venait du Premier Ministre et du Président de la République et qu’ il fallait appliquer la loi. Certains préfets préférèrent démissionner plutôt que de renoncer à jouir de leurs biens.

Alors qu’ il montait dans sa voiture de fonction électrique, il lâcha un soupir de lassitude. Son assistant entra à son tour dans le véhicule.

- Tout est prêt, Monsieur le Ministre.
- Avouez tout de même que c’ est crétin de me faire déménager alors que je ne dégage pas de CO² avec ce véhicule.

L’ assistant rompit le court silence qui s’ était soudain imposé.

- Monsieur le Ministre ?

Emilien se tourna vers lui. Il n’ avait pas besoin de lui demander ce qu’ il en pensait. Son silence et son regard suffirent à lui faire comprendre qu’ il considérait qu’ on ne pouvait pas revenir sur une décision des chefs de l’ Exécutif.

- Quand je pense qu’ on a tous failli être viré à une voix prêt, dit-il en détachant son regard de son assistant.

Le projet de loi ayant été refusé au Sénat et en seconde lecture à l’ Assemblée Nationale, alors qu’ elle avait été acceptée à trois voix prêts la première fois, le chef du gouvernement utilisa le 49-3 faisant engager la responsabilité du gouvernement. Les députés de l’ Opposition n’ ayant pas réussi à faire voter leur motion de censure à la majorité absolue, le texte avait été finalement adopté… à une voix prêt.

- Où irais-je en vacances ? Chez moi ?
- Monsieur le Ministre, vous pourrez toujours partir en vacances dans votre maison de Fontainebleau.
- A condition que les locataires partent eux aussi en vacances.
- Oui. Et même si ce n’ était pas le cas, vous pouvez séjourner dans une chambre d’ hôtes ou prendre une chambre d'hôtel respectant la charte d'éco-préservation.
- Tssst ! Et comment vont faire les gens qui n’ ont pas les moyens ? Hein ?
- Vous savez comme moi que le Ministre du logement vient de proposer une aide au logement de proximité du lieu de travail.

"Maudite COP21", pensa Emilien.

Il y a un peu plus de 5 ans, les 178 chefs d’ Etat de la planète signèrent des engagements en vu de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, dans l’ objectif de ralentir le réchauffement climatique pour la fin du siècle à 2°c, bien que les experts avaient remarqué que la mollesse des engagements ne permettraient pas d’ atteindre cet objectif. Le nouveau gouvernement élu deux ans plus tard voulait accélérer les réformes allant dans ce sens et commença à appliquer certaines pistes. La première d’ entre elles, exprimée dans le Pacte Ecologique de Nicolas Hulot, concernait le logement.

Le téléphone d'Emilien sonna. Son appareil indiquait qu'il s'agissait du Premier Ministre. Il ferma les yeux et respira lentement durant quelques secondes avant de répondre.

- Oui, Patrick !
- Alors, Emilien, comment ça avance ton déménagement ?

Le premier flic de France parvint à garder son calme.

- Merveilleusement bien ! Je viens de terminer de rassembler mes affaires. Nous sommes en route, dit-il en faisant signe au chauffeur de démarrer.
- Parfait ! Je vois que tu as bien mesurer l'impact positif de cette décision écologique.

"Les ours blancs vont être ravis", ironisa Emilien à lui-même.

- Tu avais autre chose à me dire ?
- Oui, Emilien. Je compte sur toi pour le Conseil des Ministres dans deux jours. Il faudra faire un point statistique sur l'application de cette mesure chez l'ensemble de la classe politique.
- Compte sur moi !
- Bien, à bientôt.
- A bientôt, Patrick.

En raccrochant, il songea aux prochaines mesures écologiques dans la besace des têtes de l'Exécutif. Après le logement, ils s'attaqueraient à l'énergie en accélérant la transition énergétique embrayée par le gouvernement précédent. Au lieu de construire des centrales solaires, éoliennes ou hydroliques centralisées distribuant l'électricité, la stratégie était de décentraliser la production d'électricité à chaque foyer. Les bâtiments publics seraient les premiers logements à produire eux mêmes leur électricité par le biais de panneaux solaires et/ou mini-éoliennes dont l'énergie serait stockée dans de gigantesques piles à hydrogène. Cet excédent serait redistribué automatiquement grâce à un compteur connecté. L'Internet de l'Energie serait ainsi crée et mise en œuvre.

Après les bâtiments publics, les entreprises, puis les commerçants et enfin les maisons et bâtiments collectifs produiront leur électricité et seront connectés à l'Internet de l'Energie. Enfin, ce serait l'avènement des véhicules électriques dont l'utilisation serait rendu accessible et logique.

Le plus dur dans ce nouveau projet serait de faire plier les lobbies de l'électricité, du pétrole, du gaz et du nucléaire - bien que ces derniers pourraient toujours produire davantage d'électricité le temps que ce nouveau système se mette en place étant donné que les centrales nucléaires ne rejetaient pas de CO² dans l'atmosphère et représentaient plus de 70 % de la production française d'électricité.

- Vous croyez vraiment qu'ils vont y arriver ? demanda-t-il à son assistant.

L'autre devina ses pensées et réfléchit un instant.

- Vous savez ce que le Président de la République aime à répéter: "La France sera le phare qui éclairera le monde dans le domaine du Développement Durable".

Le Ministre souriait en coin.

- Espérons qu'on parle de nous dans les livres d'Histoire.
 

 

  
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