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Sur la piste du voleur

 

 

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José fut réveillé par la sonnerie stridente de son téléphone d’ appartement. Il pesta d’ avoir été dérangé durant sa sieste. Quelques secondes après avoir décroché, son visage se détendit. Il reconnut la voix de Valérie.

Après plusieurs semaines d’ hésitations et d’ espoir inutile, elle décida d’ appeler son vieil ami. Ce dernier écouta, effaré, le récit de sa correspondante. Après l’ avoir laissé évacuer ce qu’ elle avait sur le c½ur, il lui promit de retrouver la trace de son ordinateur et, par conséquent, du logiciel de projection.

Lorsqu’ il raccrocha, il réfléchit à la manière de procédé. Il se souvint avoir utilisé un cheval de troie pour installer un logiciel espion sur le mini-pc de la jeune femme. Ce logiciel avait insidieusement été installé en même temps que les mises à jour qu’ elle avait téléchargé pour réduire les projections à une journée, il y a neuf ans. Il craignait à l’ époque que la jeune femme n’ utilisât le logiciel pour s’ enrichir ou qu’ elle ne le prêtât à son compagnon ou que la machine ne fût dérobée suite à un cambriolage. Il ne pensait pas l’ utiliser suite au départ du mari, mais il était quelque part satisfait d’ avoir écouté sa paranoïa.

Cependant, il ne se sentait plus aussi vaillant. A bientôt 90 ans, il craignait de s’ endormir pendant ses recherches et de ne pas se souvenir du fonctionnement de son logiciel de piratage qui avait subi de nombreuses mises à jour ces dernières années. Il fit appel à une de ses nièces, Géraldine, webmaster professionnelle et hackeuse pendant son temps libre.

Au bout d’ à peine une heure et grâce au logiciel-espion installé par son oncle, elle parvint à retrouver la trace du logiciel, puis de l’ ordinateur avant de récupérer l’ adresse IP du serveur sur lequel il était connecté. Elle découvrit qu’ il utilisait le serveur d’ un hôtel situé sur l’ île des Bermudes, à Hamilton. En pénétrant dans le réseau de l’ hôtel et en décortiquant les différentes informations récoltées sur le registre d’ entrée et des caméras de surveillance, elle sut qu’ il avait réservé la chambre 12 sous le nom de Patrick Dupont. Elle transmit toutes ces informations à son oncle et attendit ses instructions.

José savait ce qu’ il devait faire, mais il souhaitait avant tout peser le pour et le contre et récolter davantage d’ informations.

Il commença par appeler Valérie sans lui révéler qu’ il venait de retrouver sa trace. Il se contenta d’ annoncer qu’ il avait fait appel à sa nièce pour tracer l’ ordinateur. Il lui demanda ce qu’ elle souhaitait faire une fois qu’ il aurait retrouvé la trace de son mari. L’ interlocutrice hésita à répondre. Une partie d’ elle voulut le voir en prison ou mort pour l’ avoir trahi. Mais une autre partie de son être l’ aimait toujours, prête à lui pardonner son écart de conduite, il s’ agissait de son mari et du père de son enfant. Mais comment pardonner à un homme qui avait abandonné son propre fils au profit de l’ argent et, qui sait, des femmes légères.

La femme trompée finit par annoncer à José qu’ elle souhaitait le voir revenir afin qu’ il assumât ses actes. Elle divorcerait et le dénoncerait à la police si jamais il avait utilisé le logiciel pour jouer en bourse ou fait quelqu’ autre acte illégal. Divorcé et emprisonné, tel était le destin que la jeune femme envisageait pour son mari.

Sa conversation terminée, il demanda à sa nièce de collecter le maximum d’ informations sur l’ époux de Valérie. Il devait savoir comment il avait utiliser le projecteur économique, s’ il s’ était enrichi, de quelle manière, etc.

Trois heures plus tard, il reçut toutes les données récoltées par sa nièce. Il découvrit ainsi que le mari avait utilisé le logiciel de projection au moins une fois par jour cette dernière semaine. Il apprit également qu’ il avait ouvert un compte dans une banque des Bermudes, toujours au nom de Dupont, qui était approvisionné de plusieurs milliers dollars et qu’ il avait un portefeuille d’ actions de plusieurs centaines de milliers de dollars. En retraçant l'historique de son compte, via les archives de la banque, il s'aperçut qu'il vendait deux fois par semaine une partie de ses actions afin de remplir son compte, qu'il l’ avait ouvert aux Bermudes quelques jours avant son arrivée avec 10000 dollars qu'il avait utilisé quelques minutes plus tard pour acheter des actions (cela prouvait qu'il avait planifié son départ et qu'il s'était servi de son compte-joint avec son épouse). Il retraça ensuite la fréquence d'utilisation du logiciel. Il remarqua un nombre important d'ouvertures et de fermetures du logiciel durant les trois mois avant le départ du mari, puis plus rien pendant deux jours (peut-être dû au temps du voyage) avant une fréquence moyenne de deux ouvertures du logiciel par jour, puis le rythme de croisière d'une fois par jour depuis deux semaines.

José s'arrêta dans sa lecture. Une idée venait de germer dans son esprit...

Quelqu'un frappa à la porte de la chambre d'hôtel. Le client ouvrit la porte et se retrouva nez-à-nez avec deux membres de la police britannique. Ces derniers lui demandèrent de les suivre au poste de police...

Le journal de la BBC ouvrit sur l'énième référendum britannique sur la sortie ou non du Royaume-Uni de l'Union Européenne, le second titre de l'actualité concernait les élections américaines et l'avancée du candidat Républicain dans les sondages d'opinion, le troisième titre concernait l'évacuation de la dernière partie de la jungle de Calais après des décennies d’ existence, le dernier titre concernait l'arrestation d'un ressortissant français aux îles des Bermudes.

Le téléspectateur ouvrit les yeux et se redressa de son canapé pour suivre les actualités…

Après les dernières images d’ un calaisien exprimant son soulagement de voir disparaître les barbelés et la valse des migrants arpentant les rues de la ville, l’ image revint vers les deux journalistes, un homme et une femme, qui animaient le journal télévisé.

- Quittons la France maintenant, commença la journaliste, avec une information qui nous vient des Bermudes.

- Hier soir, poursuivit l’ autre journaliste, un français, installé à Hamilton depuis 3 mois, a été arrêté par la police britannique.

- L’ homme, continua la journaliste, est soupçonné d’ avoir utilisé des informations obtenues auprès de certains cadres de deux multinationales, l’ une française, l’ autre américaine, afin d’ acheter des actions de ces deux sociétés juste avant l’ annonce du bilan des deux entreprises.

- Les bénéfices de cette spéculation seraient de l’ ordre de 50 000 dollars. Les explications avec Bryan Johnson.

Le globe de la BBC s’ incrusta dans l’ image, faisant disparaître les journalistes, avant de s’ effacer à son tour pour laisser la place au commissariat de police d’ Hamilton.

« Hier soir, commença la voix off, vers 21h00, heure locale, la police britannique d’ Hamilton a perquisitionné la chambre d’ hôtel d’ un homme se faisant appelé Patrick Dupont…  »

Les images montrèrent un homme, menotte aux poignets, accompagné de deux agents de police, quittant l’ entrée de l’ hôtel. Les girophares et les flashs des photographes sur place illuminèrent son visage par saccades.

« …  Selon nos informations, le client de l’ hôtel est un homme d’ affaires français, venu en vacances sur l’ île principale des Bermudes. Selon le directeur de l’ hôtel, il comptait rester demeurer sur l’ île durant plusieurs mois avant de repartir à son domicile, situé à New York.

Selon une source du dossier, le business-man français aurait acquis un nombre important d’ actions des sociétés LVMH et General Motors peu de temps avant l’ annonce des bilans des deux entreprises.  »

Le logo de LVMH au siège de Paris, puis celui de General Motors à Détroit apparurent successivement.

« Quelques heures après la publication de ces résultats, les valeurs des actions avaient augmenté de près de 10% pour LVMH et de 15% pour General Motors. Un belle opération pour M. Dupont qui n’ était pas dû au hasard. En effet, l’ homme aurait bénéficié d’ informations provenant des cadres des deux sociétés.  »

Les immeubles des deux sièges sociaux apparurent simultanément sur l’ écran, séparés par une ligne vertical.

Le reporter apparut soudain à l’ écran, micro-casque branché, se tenant devant le poste de police d’ Hamilton.

« Selon nos dernières informations, les enquêteurs ont reçu ces renseignements d’ une source anonyme. Le message de dénonciation, reçu par courriel, était accompagné de deux pièces jointes. Il s’ agissait de copies de messages envoyés par les cadres de General Motors et de LVMH donnant à Patrick Dupont les codes d’ accès aux serveurs des deux sociétés. Ces codes lui auraient permis de télécharger sans peine les résultats financiers et anticiper ainsi une hausse des cours d’ actions.

Les enquêteurs sont en ce moment même en train d’ interroger le suspect pour comprendre la manière dont il s’ est pris pour corrompre ces hauts responsables de multinationales. Une opération qui lui a permis de faire une plus-value… de 55 000 dollars.

Bryan Johnson pour BBC World.  »

Alors que les deux journalistes poursuivirent le déroulement du journal en développant les autres informations internationales, le téléspectateur émit un rire satisfait. Tout semblait se dérouler selon son plan.

José récupéra sur son smartphone les rapports de sa nièce. Cette dernière avait bien suivi ses instructions. L’ idée de José était de faire arrêter le mari de Valérie pour délit d’ initié, mais il se doutait que le fait d’ utiliser une intelligence artificielle pour analyser les informations publiques afin d’ anticiper les cours de la bourse ne pouvait constituer un tel délit car il n’ avait utilisé que des informations officielles. On considérerait cela comme une prise de risque malgré tout. Ce serait un peu comme employé un consultant ou un analyste financier pour prévoir les aléas du marché. D’ autant plus que l’ on découvrirait par-là même l’ existence de l'Intelligence Artificielle. Il fallait donc provoquer la chance.

Le vieil informaticien demanda à sa nièce de repérer les actions que le faux Patrick Dupont avait achetées et également vérifier sur le logiciel de projection les prochaines valeurs qui allaient grimper en flèche. C’ est ainsi que la hackeuse découvrit qu’ il avait investi dans deux entreprises, l’ une française et l’ autre américaine qui, selon le logiciel, allaient brusquement grimper le même jour. En piochant des informations dans les journaux économiques, elle comprit que cela corrélait avec la publication prochaine des bilans des deux entreprises.

Suivant les recommandations de son oncle, après lui avoir transmis ces informations, elle pirata le réseau des deux sociétés, ouvrit la messagerie de deux cadres afin d’ envoyer un message au voleur de logiciel donnant les codes d’ accès permettant de télécharger les bilans, suivi de quelques mots compromettant réclamant « comme promis » les « cadeaux » qui étaient convenus. Ensuite, elle se déconnecta et se reconnecta quelques minutes plus tard en utilisant les noms d’ utilisateur et mots de passe officiels, accéda aux données, les téléchargea vers un serveur crypté avant de les transférer vers l’ ordinateur du mari. Il ne restait plus ensuite qu'à envoyer un courriel le lendemain de l’ annonce des bilans aux autorités d’ Hamilton pour lancer une enquête.

Durant les jours suivants, les autorités américaines et françaises demandèrent à ce que l'escroc soit jugé sous leurs autorités judiciaires. Après d'âpres négociations avec la justice britannique, il fut finalement décidé qu'il serait remis aux autorités françaises étant donné la nationalité du prévenu. Le seul regret des enquêteurs était de ne pas avoir réussi à faire avouer leur homme, ni même avoir pu interroger les cadres incriminés des deux sociétés. Cadres qui ne faisaient plus parti du personnel suite au scandale.

Les données et logiciels qu'ils trouvèrent les laissèrent perplexes. Ils en conclurent qu'il avait acheté des logiciels pour prévoir les évolutions des cours de la Bourse voir de l'Economie. Les policiers n'approfondirent pas leurs investigations, permettant ainsi au secret de Valérie et de José de rester intacte. L'ordinateur fut même remis à la propriétaire une fois l'enquête française terminée.

Lorsque José appris la nouvelle à Valérie, cette dernière fut satisfaite qu'il payât pour ses crimes et qu'il revînt en France. Elle pourrait régler ses comptes avec lui en personne.

Quelques jours après son extradition, elle lui rendit visite au parloir de la maison d'arrêt. La satisfaction que le mari affichait, heureux de revoir sa promise, disparut rapidement lorsqu'elle lui lança un flot d'insultes et de reproches. Lorsque, en réponse, il lui fit remarquer qu'elle lui avait caché l'existence de la machine et qu'elle lui avait menti durant toutes ces années sur l'origine de ses fonds, elle lui rétorqua sèchement qu'elle s'apprêtait à lui révéler la vérité le jour de son départ. Elle termina la conversation en annonçant qu'elle lancerait une procédure de divorce et qu'il ne reverrait jamais son fils qu'il avait lâchement abandonné. En sortant du bâtiment pénitentiaire, elle était à la fois satisfaite et étonnée d'avoir eu le courage de l'affronter.

Quelques mois plus tard, il fut condamné à 5 ans de prisons et 75 000 euros d'amendes pour délit d'initié, fraude fiscal et usurpation d'identité. L'Etat-civil qui était affiché sur ses papiers d'identité correspondait à celui d'une personne décédée un an auparavant…
 

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