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Le tronc de l'Arbre des possibles

 

 

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Et s'il y avait, quelque part dans notre univers, une planète bleue, vraiment bleue. C'est-à-dire qu'elle serait complètement recouverte d'eau. Et si de cette surface ondulante émergeait un arbre gigantesque. Droit comme un majestueux séquoia géant avec ses branches émergeant d'un tronc commun et unique, mais feuillus et généreux comme un arbre à fruit. Le tronc ayant la dimension d'une île-continent comme l'Australie sur la Terre. Cet Arbre prendrait racine à même les profondeurs abyssales de cet immense et unique océan, et sa cîme se perdrait dans les nuages pour un observateur à la surface de l'océan. Son histoire se perdrait dans les brumes du temps, mais on pourrait présumer qu'il aurait commencé comme une espèce d'algue immense qui se serait mise à croitre et à se transformer plus elle s'approchait de la surface et donc de la lumière du soleil autour duquel tournerait sa planète. Tout ça pour finir en arbre après qu'elle ait émergé de l'eau. Mais cet arbre ne serait pas la seul forme de vie sur la planète. Dans l'océan, une multitude de formes de vie animale et végétale se côtoieraient et sur ses branches immenses, plusieurs autres auraient trouvé refuge. La plus évoluée d'entre-elles serait une créature qui physiquement serait à mi-chemin entre l'écureuil et le singe et qui aurait l'intelligence des homo erectus. Appelons-la Homo Ecurus.

L'homo écurus possède une certaine dextérité manuelle qui lui a permis d'utiliser certaine partie de l'arbre pour en faire des outils et ainsi maîtriser quelque peu son environnement et son habitat formé par le tronc et les branches de l'Arbre. Grâce à ses dents et ses outils, il a pu se faire des habitations qui ressemblent à des nids immenses et creuser le tronc pour constituer des kilomètres de réseaux intra-arbre où il a pu se protéger des prédateurs et ainsi constituer une communauté viable. L'homo écurus possède également assez d'intelligence pour avoir développé une forme de culture primitive et accumuler un savoir qui se transmet et qui grandit de génération en génération. Il a même un embryon de spiritualité où l'Arbre, en tant que pourvoyeur de nourriture, matière première et refuge, tiens un rôle central. Surtout que, pour les perceptions limitées d'un homo écurus, l'Arbre est un excellent symbole d'infini tant dans le temps que dans l'espace, car il semble n'avoir ni de début ni de fin et il serait impensable de conter ses innombrables branches et sous branches. L'Arbre est si haut, qu'à un certain niveau, le froid et l'air raréfié empêchent toute installation permanente d'homo écurus. Mais la recherche de nourriture, les pressions démographiques, la mort des branches basses les plus vieilles et l'adaptation ont permis que chaque douzaine de génération environ, le peuple homo écurus conquérisse un nouvel étage de l'Arbre et donc une multitude de nouvelles branches où s'installer. Et pour les aider, l'Arbre, encore une fois, venait à leur secours. Car il pousse parmi ses feuilles une grande quantité de noix et de fruits différents. L'un de ces fruits, l'acanane (rare et donc précieux), a une particularité des plus intéressantes pour la survie de l'espèce. D'aussi loin que remonte la mémoire collective du peuple homo écurus, on avait retrouvé ce fruit à chaque étage de l'arbre. Mais les conditions environnantes qui changent avec l'altitude, changent également la qualité du fruit... et celle de celui qui le mange! Car plus l'homo écurus mange de ce fruit, plus vite il s'adapte aux conditions où a poussé ce fruit. Il peut donc profiter plus rapidemment que ses semblables de la nouvelle manne de l'étage supérieure. C'est ainsi que naquit une forme de hiérarchie où les clans dirigeant vivaient sur les plus hautes branches et les clans moins-vites-adaptés sur les branches les plus basses, qui risquaient à tout moment de mourir et de tomber dans l'océan (maintenant à plusieurs centaines de mètres en-dessous). C'est ainsi que naquit également une tradition chez les homo écurus : chaque quatre ans, au début de la saison d'éclosion des coques-dures (espèce de noix non comestible, mais pratique pour marquer le temps grâce à son cycle précis et répétitif), le peuple homo écurus se réunit pour une grande cérémonie où le plus valeureux de chaque clan se voit confié une épreuve qui peut être mortelle : monter à l'étage au-dessus et ramener pour son clan le plus d'acananes possible et ainsi permettre à son clan de devenir (ou de rester) l'un des clans dirigeant. La stratégie étant de pouvoir résister le plus longtemps possible aux conditions ardues et d'avoir le sens de l'odorat le plus performant pour pouvoir repérer rapidement l'acanane. Durant longtemps, à chaque cérémonie, plusieurs valeureux homo écurus mourraient dans la tâche par orgueil, inexpérience ou témérité. Les gagnants (on prenait les sept premiers) se voyaient élevés au grade de chef de leur clan qui, à leur tour, dirigeaient l'ensemble du peuple.

C'est ainsi, semblait-t-il, qu'ils avaient toujours vécu et qu'ils vivraient toujours, dans une perpétuelle élévation dans l'Arbre sans sommet et aux branches innombrables. Mais un jour, naquit un mutant, on ne sait par quel miracle de la vie. Il était né dans un des clans moins-vites-adaptés (comme quoi la misère et la peur forment régulièrement le terraux fertile d'où nait les mutants, prophètes et autres messies de l'Univers!). Si par ses aptitudes physiques il devint vite le candidat logique de son clan pour la prochaine cérémonie de l'Acanane, il ne présentait aucune faculté exceptionnelle qui aurait pu trahir sa mutation. Mais lors de l'épreuve, il se rendit vite compte qu'il n'éprouvait aucune grande difficulté à s'adapter aux nouvelles conditions et qu'il possédait un flair incroyable. Rare était la direction qu'il prenait où il ne trouvait pas un acanane. Et alors que les derniers concurrents redescendaient essouflés et transis de froid avec leur récolte d'acanane, lui continuait à gambader parmi les branches de l'étage supérieur. Il était si à l'aise qu'il eu l'idée d'aller voir un étage plus haut... ce que personne n'avait jamais fait. Imaginez, deux étages en une seule cérémonie. Après tout, plus il ramenerait d'acananes, plus son clan aurait des chances de quitter la misère. Il fut surpris de voir que, là non plus, les conditions ne le dérangeaient pas trop et il continua, fier et surpris, sa cueillette. En fait, il était tellement enthousiaste et curieux qu'il visita un troisième et un quatrième étage. Et ce n'est que parce qu'il n'avait plus de place dans ses deux sacs et ses deux bajoues qu'il redescendit. Lorsqu'il arriva au lieu de la cérémonie, il fut étonné de voir que les célébrations couronnant les champions avaient déjà commencé. En fait, il était parti tellement longtemps qu'on l'avait compté parmi les valeureux morts dans l'épreuve. La surprise fut donc générale lorsqu'on le vit apparaître au milieu du cercle des initiés et de surcroit avec assez d'acananes pour nourrir et adapter plusieurs clans. Et si on accorda peu de foi à son histoire de deuxième étage (il ne mentionna même pas les deux autres!), tous le couronnèrent champion pour la quantité fabuleuse d'acananes ramassées. Malheureusement, le lendemain, plus de la moitié de ceux qui avaient mangé ses acananes se trouvèrent malades et plusieurs moururent les jours suivants. C'est que l'homo ecurus n'avait pas connaissance que plus l'acanane est ceuillie haut, plus le corps doit être fort pour s'adapter brusquement aux transformations et que ce qui est bénéfique en petite quantité peut être mortel en grande. Non, l'homo ecurus n'avait pas assez de connaissances pour le comprendre et n'avait pas assez de recul pour voir que ceux qui avaient survécu à l'ingestion des fruits plus élevés avaient aussi acquis de plus grandes aptitudes. On accusa donc le jeune mutant de mensonge et d'avoir déguisé quelques nouveaux fruits de l'étage supérieur en acanane pour pouvoir diriger le clan et le peuple, fruits qui de surcroit se sont avérés empoisonnés. Un seul châtiment pouvait satisfaire ce crime : le bannissement vers l'étage supérieur qui, maintenant dépouillé de la plupart de ses acananes, signifiait la mort à court terme. Le mutant savait qu'il ne mourrait pas, mais la tristesse et le désarroi qu'il montra lorsqu'il quitta les siens n'étaient pas feint.

On ne revit plus le mutant, mais les générations suivantes remarquèrent que les enfants de ceux de son clan qui avaient mangé et survécu aux acananes empoisonnées pouvaient maintenant monter de deux à trois étages à la fois lors des cérémonies. Ils remarquèrent également que depuis son départ, chaque nouvel étage conquis semblait contenir moins de dangers ou de fruits empoisonnés, comme si quelqu'un de bienveillant était venu avant eux pour faire le ménage. Et si les plus conservateurs des homo écurus affirment qu'il s'agit d'un signe de la bienveillance de l'Arbre et de son approbation de leur présence sur ses branches, de plus en plus d'homo ecurus se rappellent de l'histoire (devenue légende avec le temps) du mutant. Certains vont jusqu'à raconter, sous des regards souvent incrédules, qu'un jour, un vieil homo ecurus que personne ne connaissait leur avait dit que le mutant, toujours porté par sa curiosité et son amour pour son peuple, était monté jusqu'à la cîme de l'Arbre (concept déjà choquant et incroyable!) et que, de là, il pouvait assister au fil des ans à la naissance de chaque nouvelle branche de chaque nouvel étage et ainsi les observer et les rendre plus vivables au fur et à mesure, avant qu'aucun autre homo écurus y risque une moustache.

Et si l'Arbre des possibles était tel cet Arbre de la planète bleue, et que toutes les possibilités qu'on peut explorer ou même imaginer en tant qu'humain étaient comme les branches et le tronc unique d'un séquoia géant. Chaque instant, tous les possibles que l'on voit semblent tangibles et également solides, mais seulement un, le tronc, mène vers le haut, les autres étant inévitablement des culs-de-sac qui finiront par mourir et tomber pour laisser place à d'autres possibles temporels. Alors, explorer les différents possibles sert de support pour vivre l'expérience à petite échelle de la vie, un temps, mais celle-ci suit invariablement qu'un seul possible. Et lorsqu'on lève les yeux de l'imaginaire vers le futur, la multitude de branches que l'on voit et qui peut paraître infinie à l'observateur, sont autant de possibles éphèmères qui cachent le tronc, qui lui seul représente le vrai Possible.
 

 

  
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