6142


Le maître des destinées

 

 

Afficher tous les scÈnarios du mÍme type

Abysse : niveau 666

Que dire de plus, j’étais mort. Mon corps ne me faisait plus souffrir, toutes ces années où le moindre souffle venait enfler mon lot de douleur, n’était plus qu’un vague souvenir dont je n’arrivais même plus à matérialiser le sentiment. Combien de temps avais-je vécu? Avais-je seulement vécu? De cet amas de chair il ne restait rien, qu’un vague souvenir qui s’évanouirait au fil des années, qu’une image floue dans un hypothétique album si précieux au fond d’un tiroir poussiéreux, rangé parmi les ancêtres qui désormais m’accompagnaient. Je pleure des larmes de souvenirs, de ces douces chaleurs envahissant mon corps de douleur. Où sont-ils? Ces jours ensoleillés ces senteurs matinales que la timide chaleur des fragiles lueurs faisaient flotter jusqu’à moi, envolés. Une étincelle, une fulgurance insipide noyé dans un océan de stupeur paralysante, oui, c’est ça, une saveur plate, un goût de rien, oui c’est ça, la vie a un goût de rien... Maintenant que je suis dans un endroit qui n’en n’est pas un, que je goûte l'infinie éternité, que me reviennent les souvenirs, je pleure de ces larmes sans saveur sur ces pauvres destinées qui n’ont pas conscience d’exister. Conscience d’exister, conscience d’exister, conscience d’exister. Existe t-il une conscience? Une science de l’intérieur, un savoir acquis et inné? Quand ma pensée emplissait mon corps j’étais conscient, mais maintenant que je contemple mon corps vide, suis-je conscient? ou ne suis-je plus que science? Flux d’énergie dilué dans l’immensité sidérale, libre comme l’électron allant d'atome en atome et faisant fonctionner un quelconque système? Rien ne se perd tout se transforme. Je suis dans un monde sans matière où tout n'est qu’énergie allant et venant vers un but sans fin que rien ne porte et que rien ne freine, où tout n’est que pensée imaginative et créatrice au delà de l’oeil et de la raison. Tout fonctionne à la bonne vitesse, la perfectibilité acquise. Toutes nos vies, toutes ces individualités ne sont qu’une seule et unique interaction, basée sur un flux énergétique constant motivé par la perfection.

Ici, il n’y a ni haine ni amour, il n’y a que la passion. L’essence de toute pensée c’est la passion, voir au delà du paraître ce que la passion nous dicte, et agir dans un but de perfection, voila le sens de la vie. Parfois j’ai eu envie de crier, d’une voix si forte que l’univers entier en aurait vibrer, alors peut-être aurais-je réussi a polariser le monde vers la perfectibilité. J’ai crié, j’ai même hurlé par la pensée, mais le vent n’a jamais porté assez loin mon souffle, et je me suis assourdi et parfois ma passion s’est étiolée et mes idées envolées comme autant de mots sur des bouts de vie dans des flacons de glace flottant sur un océan d’ignorance. La haine je l’aie eu, sourde et accroché à l’âme, comme un couteau dont la lame sans manche me cisaillait la main à chaque coup que je portais. L’amour, cette étincelle d’autosatisfaction, pour admettre sa décrépitude au travers celle de l’autre, quel gâchis. C’est le ridicule qui m’a tué, le ridicule avec lequel j’ai vécu, l’acceptation de toutes ces infimes parcelles de médiocrité alors que l’excellence était à ma portée. Le geste inutile, la compassion, l’émotion contenue, les sourires convenus, les idées communes non-acquises, le chagrin induit, l’idiot que j’ai écouté, à qui j’ai répondu et tous ceux que j’ai supporté par manque de courage, enfin tout ces moments où consciemment ou inconsciemment je n’étais pas en accord avec moi-même... Merde !

J’ai eu peur parfois, de moi même, de ma raison, peur de cette voix si familière celle qui nous parle avec cette même vibration que l’on entend quand on s’adresse aux autres, cette voix qui sert a projeter ses idées vers l’extérieur de notre corps comme des jets d’âmes que certains agrippent comme des bouts de vérités et que d’autres transforment en bouillie infâme qu’ils sont seul à en savourer la quintessence. J’ai souvent eu mal de n’avoir pas été compris, pourtant j’ai souvent clarifié mon flux verbal pour que l’autre puisse approcher ma vérité. Mais la douleur se faisait encore plus intense quand à force de persuasion l’autre commençait a entrevoir l’absolu que je lui présentais. Quelle n’était pas ma stupeur quand après m’être convaincu qu’il était à la hauteur de ma réflexion de voir l’étendu désertique de son monde intérieur et je me retrouvais dans cette immense solitude, sombre et glaciale.

Je me suis souvent senti mort de l’extérieur. Mais tout ça n’est que vague souvenir petit crépitement lointain d’un feu qui s’éteint. Je me sens entier maintenant, dans la plénitude de la non-existence. Doucement je bouge et mon corps se raidit, mes yeux me brûlent, ma gorge en feu me fait crier, ma poitrine est transpercée de mille aiguilles d’acier, ma tête semble exploser, je sens la pesanteur, des mains gigantesques m’enserrent et me transportent sur un corps chaud et transpirant et soudain je prends conscience, à nouveau, que d’éther à vie il n’y a qu’un pas, que je n’ai pas voulu, mais déjà mes mots se perdent mes pensées s’évaporent, tout tourne autour et lentement je cède à la torpeur d’une douceur maternelle comme effacé à ma propre vérité.

 
 
 

 

Créé par WAM le 01/12/2006 | Evaluer ce scénario
Ecrire une suite ou une alternative à ce scénario | Commentaires (2)

 

 


Commentaires

Renaissance

Le monde de l'éther est peut-être tout aussi palpitant que notre matérialisation "humaine", à propos des émotions qu'il (ré)génère à notre "part" d'esprit. Certains ont choisi d'y rester, à moins qu'ils ne furent contraints à prendre place dans une dimension. Nous sommes simultanément dans toutes les dimensions. Il faudrait peut-être que cela soit écrit, dit à chaque être et que la clé soit lui donnée pour lutter contre le néant. Oui, non ?

Posté par L'épistéolienne le 01/12/2006


le vécu

Cette histoire me plaît beaucoup. Elle ressemble au tableau d'un souvenir vivant, je la lis et relis avec fascination. Revivrait-on comme un jour sans fin ?

Posté par L'épistéolienne le 03/12/2006


 

 

Ecrire un scenario

 



Base de données
des scénarios

Sommaire