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Un monde parfait

 

 

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Comme tout me lasse. L'infinie pesanteur de ma vie m'en restreint à n'en voir que les vicissitudes. Je me lasse de tout ce que vous trouvez plaisant, de vos figures d'abrutis et de celles qui, comme moi, se sentent affligées par la seule vision des vôtres. Vous qui vous ressemblez tant, vous qui ne comprenez pas la différence, seriez-vous prêts à entendre ce que j’ai à vous dire? Ou est-ce que toutes ces pensées qui me rongent devront à jamais rester dans les portes de mon esprit? Quelqu'un est-il seulement prêt à voir s'ouvrir l'une de ces portes, ou continuerez-vous tous de vous tourner nonchalamment lorsque vous me verrez passer sur le chemin de votre vie?

Je crois que la folie s'éprend de mon être, à force d'isolement. Et dire que cela s'est fait graduellement, que petit à petit, j'ai appris à connaître, à haïr le monde.

- Je n'ai nulle peine à te croire, pauvre créature! Tu trempes ta plume dans l'encrier avec tant de peine, ta tête dodeline même lorsque tu écris, et elle penche beaucoup trop vers l'avant pour le degré d'intérêt que tu portes à ce que tu fais. Il y a longtemps que je te connais; j'ai traversé avec toi toutes les épreuves, mais je ne peux, non, je n'arrive pas à comprendre quand est-ce que tout cela a commencé. Alors le monde te répugne? Et tu veux savoir ce qui me répugne, à moi? Bien sûr que non! Tu n'as jamais rien voulu entendre! Tu préfères nettement rester dans ta petite bulle à laquelle nul autre que toi ne peut accéder. Hormis moi, au cas où tu l'aurais oublié. Moi qui suis partie intégrante de toi. Moi qui ne dois te quitter en aucun temps ni sous aucun prétexte. Moi qui suis à la fois partie intégrante de toi et une entité à part entière. Comprends bien ce que je te dis, car si jamais tu prenais mes paroles à la légère, c'est contre toi qu'elles se retourneraient.

Prends conscience que tant et aussi longtemps que je serai lié à toi, je n'aurai d'autres choix que d'entendre toutes tes pensées dévastatrices et de ressentir toutes tes peurs les plus viscérales; et qu'alors que je tenterai de te raisonner, je devrai encore maintes fois accepter que tu fasses taire ma voix. Alors cette fois, tu vas m'écouter. Tu dois savoir ce qui me répugne tant.

- Je ne désire pas l'entendre.

- «Je ne désire pas l'entendre ! » Prononcé avec cette moue dubitative, ce regard désabusé, ce ton qui laisse deviner un esprit lymphatique. «Je ne désire pas l'entendre ! » L'importance que tu juges avoir, cette impression qui te laisse croire en ta supériorité est ce qui te fait haïr le monde et t'isoler au point de refuser t'ouvrir aux douleurs de ton âme ! Tu sais que tu m'amuses ? Penses-tu vraiment avoir une personnalité si complexe qu'il me serait impossible, à moi, de la démystifier ? Je vais te dire, oui, je vais te dire ce qui me dégoûte: c'est d'être attaché à toi, d'avoir à subir toutes tes phases si rebutantes, de me soustraire aux caprices princiers d'un être si pleutre, n'ayant nulle appartenance et stagnant avec conviction dans un monde illusoire où est glorifiée la léthargie ! Tu sais, au fond, ô combien tu es moche ! Tu n'as qu'à regarder cette main qui tient cette plume pour mieux t'en rendre compte, pour t'endormir. Et quand cette bande de tarés est là à te vanter tes mérites, c'est assez pour t'endormir davantage.

- Tu as raison, ils m'endorment. Parce que je sais qu'ils ont tort de mettre leur confiance en moi. Alors je vois le même scénario se répéter chaque fois, et cela me fatigue, m'endort, comme tu dis. Je ne comprends pas pourquoi ils s'intéressent à moi. Non, ce n'est pas à moi qu'ils s'intéressent, mais à l'image que je projète. Ils croient que je suis une femme. Alors ils me traitent comme telle. Comme si je faisais partie des leurs, comme si j'étais normale. Et aussitôt qu'on va un peu plus en profondeur, ils semblent prendre peur. Ils savent bien ce qui me fait défaut, mais n'osent le traduirent ouvertement, car ça leur semble dépourvu de logique d'écouter la petite voix qui leur dit: «elle n'est pas comme les autres, elle a un caractère androgyne, sa personnalité est complexe, il ne faut approfondir de lien avec ce genre d'individu au cas où ton esprit s'ouvrirait davantage sur le monde; il ne faut surtout pas que ça arrive, car plus on en sait, plus on risque d'être malheureux. »

Je te l'accorde, je crois ma personnalité des plus complexes par rapport à la leur, et avec raison. Je n'arrive pas à me figurer que quelqu'un appartenant à un seul sexe, aussi intelligent et ouvert d'esprit soit-il, puisse me comprendre comme saurait le faire un hermaphrodite. Jamais je ne pourrais m'ouvrir à un être humain ``normal``… Ni d'ailleurs à n'importe quelle entité qui m'explique sa supériorité en se servant de la froide raison. Comprends bien que si je n'ai pas daigné t'entendre dire ce qui te répugnait tant, c'est uniquement parce que je ne crois pas à ton existence. Puisque ta voix a commencé à se faire entendre seulement lorsque la solitude m'a lourdement pesée, je ne peux concevoir que ton apparition soudaine soit due à autre chose que le fruit de mon imagination.

Maintes fois, tu t'es adressé à moi comme si j'étais une femme. Si ta voix n'était pas celle de tout le monde et qu'elle était bien celle de mon âme, tu t'adresserais à l'être que je suis et non uniquement à la parcelle de féminité que l'on m'a collée à la peau et dont j'ai tant de difficulté à me défaire.

Je n'ai pas choisi d'être femme. Si je suis née avec les deux sexes, c'est que j'étais destinée à vivre avec. Pour qui se prend-t-on pour décider ainsi du sort d'un individu ? N'a-t-on jamais entendu témoignage d'un intersexuel heureux qu'on se soit permis de choisir à sa place ce qu'il devait être simplement pour satisfaire les normes ?

Tout semblait si facile… Je ressemblais davantage à une fille. Tout leur a semblé si facile, même en vivant les plus grandes difficultés. Une fois le problème constaté, le médecin en a fait part à mes parents. Oui, bien sûr, ils ont pleuré, se sont demandé ce qu'ils avaient bien pu faire pour mériter cela, une telle horreur ! Et ils se sont sentis meurtris.

Mais on les a rassurés; «C'est tout de même fréquent, vous savez. On a qu'à faire une petite intervention et tout sera réglé ! Ne vous en faites pas ! Vous voyez ce schéma ? Ici se trouve le système reproducteur, et ici, les parties externes de votre enfant. Il serait plus simple de le transformer en fille en faisant l'ablation de ce qui tend à devenir le scrotum, voyez-vous ? »

Il n'en fallait pas plus. Non, il n'en fallait pas plus pour les convaincre qu'ils n'avaient rien fait de si abominable, puisque ce léger désagrément pouvait se réparer si facilement. Ils n'ont même pas pris la peine de questionner sur les problèmes psychologiques que je pourrais rencontrer au cours de ma vie.

Et puis quoi ? Je n'ai jamais ressentis que j'appartenais plus à un sexe qu'à l'autre ! Et j'ai dû en parler souvent à mes parents avant qu'ils ne m'admettent la cruelle vérité. Cette vérité que j'ai toujours sue au fond de moi, mais qui, après confirmation, m'a fait réaliser que j'étais plus seule que jamais. Tout cela s'est fait graduellement. Je n'arrive pas à me souvenir quand, exactement, j'ai commencé à m'entretenir avec toi; tout ce que je sais, c'est que depuis que c'est devenu fréquent, je me sens plus lasse que jamais.

- Lasse ?

- Ou las ! En cet instant, je me suis sentie femme, je l'admets. Ou plus femme que rien…

- Ça te fatigue donc tant de faire face à toi-même ? Tant de questions… Tu t'es posé tant de questions que tu ne m'as pas laissé d'autres choix que d'intervenir de la sorte. Je suis lié à toi; j'y consens. Mais si tu ne désires plus de mon aide, n'oublie pas que je suis une entité à part entière et que je peux choisir de te quitter, si tu m'y pousses.

Le départ se fera progressivement…

- Comme lorsque ta voix a commencé à se faire entendre ? Si tu as réussi à te faire entendre sans que je m'en rendre compte, c'est que je n'avais pas conscience de ta présence avant qu'elle choisisse de naître à la lueur du jour de mon esprit… Alors pourquoi serais-je peinée que tu me quittes ? Graduellement ou prestement ? Qu'est-ce que j'en ai à cirer ?

- J'ai toujours été là; seulement, j'attendais le moment propice, celui qui devait me signaler que tu étais en position de faire face à toi-même, et à tes problèmes. Que tu sois prête à recevoir des réponses, à tendre vers le changement, ou du moins, vers une certaine évolution…

- Je crois plutôt que je deviens schizophrène et que tu es mon démon familier. Si je te cause, c'est que je me cause. Je n'ai personne d'autre que toi pour comprendre les problèmes inhérents à mon âme; si bien que je me suis créé un personnage qui me ressemble, avec qui je puis m'obstiner, question de quitter, à l'occasion, mon état léthargique.

- Si tu te noies dans ta propre torpeur, c'est que tu fais trop souvent faire taire cette voix qui te contraint. C'est donc dire que tu ne crois pas en l'âme.

- Je crois en l'âme.

- Alors qu'est-elle pour toi?

- C'est ce qui fait que je ressens, que je prévois, que je sais sans avoir eu à raisonner. Mais c'est aussi ce qui fait que je respire, que je vis. Car je crois que tout ce qui vit a une âme. L'âme n'a pas à dialoguer avec l'esprit. Elle peut toutefois l'aider à s'affiner. Non en lui expliquant mille et une choses, mais en lui démontrant, tout simplement. Tout le reste n'est qu'illusion. Dualité.


Et dans un monde parfait,

lorsque toutes les souillures de l'homme

Disparaîtront par le Souffle Divin,

Toutes les âmes seront androgynes

Et la dualité ne sera plus.

 
 
 

 

Créé par Pandora le 22/11/2014 | Evaluer ce scénario
Ecrire une suite ou une alternative à ce scénario | Commentaires (2)

 

 


Commentaires

WHOUAOU

WHOUAOU ...

SUPERBE !!!

Posté par panthera le 29/01/2015


Face-à-face

• "Comme si je faisais partie des leurs, comme si j'étais normale. Et aussitôt qu'on va un peu plus en profondeur, ils semblent prendre peur."
• "Je n'ai personne d'autre que toi pour comprendre les problèmes inhérents à mon âme; si bien que je me suis créé un personnage qui me ressemble, avec qui je puis m'obstiner, question de quitter, à l'occasion, mon état léthargique."

La dualité n'existe pas. Si tu ne trouves pas la réponse dans une autre apparence, ou apparition, tu la cherches en toi.

Un scénario abyssal, enfoui sous des décombres d'inepties.

Je cherche un autre scénario génial "L'entité collective universelle".... Aucun mot-clé ne le fait remonter.

Comment peut-on laisser la boue souiller l'eau claire ?

Posté par L'épistéolienne le 10/12/2017


 

 

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