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Question au gouvernement

 

 

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- Merci, Monsieur le Ministre, dit le Président de l’ Assemblée Nationale. La parole est à Madame Boiron, du groupe « Ecologie d’ avenir ».

Les députés écologistes applaudirent leur collègue qui venaient de se lever.

Béatrice était nerveuse. C’ était la première fois qu’ elle posait une question au gouvernement depuis sa récente élection, il y a trois mois. Bien qu’ elle connaissait par c½ur son discours, elle avait besoin de garder sa feuille au près d’ elle. Elle respira et inspira lentement avant de saisir le micro.

- Monsieur le Président, mes chers collègues, mesdames et messieurs les ministres, monsieur le Premier Ministre... Au siècle dernier, les agriculteurs pouvaient librement planter les semences de leur récolte...

Certains membres de l’ assemblée raillèrent la députée. L’ un d’ entre eux cria « C’ était mieux avant », un autre lança « Vieille France » avant qu’ un dernier ne la traita de « Jeanne Calment ».

La jeune députée ne se laissa pas distraire.

- Puis, avec le développement de l’ industrie agro-alimentaire, sont arrivés les semenciers, entreprises spécialisées dans la fabrication des graines de fruits et légumes. Ces sociétés vendirent leurs produits aux agriculteurs, attestant de la bonne qualité de leurs semences, nées de croisements génétiques astucieusement choisies pour permettre un rendement optimal des récoltes futures.

« Les années passants, ces petites structures devinrent des multinationales et leurs activités se sont diversifiées dans la production de graines potagères ou florales pour les jardiniers amateurs. Mais, petit à petit, les agriculteurs devinrent dépendants d’ eux. Au point qu’ il devenait interdit de planter les graines issues des fruits et légumes précédemment achetés auprès des firmes semencières. Plusieurs agriculteurs américains en ont fait l’ amère expérience en ce début de siècle, il y a vingt ans, en 2007. Ils ont été traînés en justice par la firme Monsanto pour contrefaçon et violation de brevets, alors qu’ ils ne faisaient que procéder à une technique millénaire que tout agriculteur connaît depuis la découverte de l’ agriculture, au temps du Néolithique.

« Retourne là-bas, à la Préhistoire », émit un député avant qu’ un autre ne la compare à Lucy.

- Les seules graines que les agriculteurs doivent utiliser sont celles qui sont certifiées, c’ est à dire fabriquées par les semenciers.

« Il en va de même pour les fruits et légumes que les particuliers peuvent acheter dans les magasins spécialisés. En effet, récemment, un jardinier amateur a été condamné à payer des indemnité à un semencier pour avoir replanté des graines de mimosa issues de son jardin, mais dont la plante avait été acheté dans un magasin spécialisé et qui avait la particularité de résister au froid et au vent frais et sec.

« A cause de cette jurisprudence, l’ Assemblée a voté une loi, il y a trois ans, interdisant aux français de ressemer leurs plantes dans leur jardin. Ceci, mes chers collègues, constitue une violation des libertés individuelles.

Un brouhaha monta soudain dans le camp adverse. Les députés écologistes ainsi que certains collègues proches de leur courant politique soutinrent la députée en répondant à la véhémence du côté opposé de l’ échiquier politique.

Le Président tapa du maillet afin de calmer l’ hémicycle.

- Un peu de calme, s’ il vous plait ! Monsieur Pervenchon, calmez-vous ! … ça vaut pour vous aussi, Madame Lampion ! Chuuuuuuut !

Le volume sonore du tapage diminua petit à petit. Quelques députés continuèrent, cependant, de s’ envoyer des amabilités.

- Laissez parler votre collègue ! Madame Boiron, veuillez poser votre question.
- Je vais le faire, Monsieur le Président.

« Abrèges », hurla un député à son attention.

- Ma question s’ adresse à Monsieur le Premier Ministre. Mais avant de la poser, je voudrais savoir ce que vous répondez à Monsieur Barthelemy, député du parti « Economie et Liberté », qui souhaite que l’ on développe des start-up spécialisées dans la dépollution de l’ air et de la décarbonisation de l’ atmosphère sous prétexte que cela créerait de la croissance ?

« Jusqu’ où ira la course à a croissance économique ? Si, un jour, l’ air devient irrespirable, devrons-nous encourager la création d’ entreprises spécialisées dans la réoxygénation de l’ air ?

Le brouhaha réapparut de l’ autre côté du parlement. Le Président de l’ Assemblée dut réemployer son maillet pour faire respecter le silence.

- Mesdames et Messieurs les députés, calmez-vous !

Certains l’ apostrophèrent pour lui signaler qu’ elle avait largement dépassée son temps de parole.

- Monsieur Perenchon ! S’ il vous plaît !

Lorsqu’ un semblant de sérénité s’ imposa, il demanda à la députée de poser sa question, sans quoi il serait obligé de couper son micro.

- Bien, Monsieur le Président.

Son regard se dirigea vers son interlocuteur principal, qui s’ était retourné, comme s’ il découvrait la question alors que l’ un de ses conseillers avait préparé la réponse quelques heures auparavant.

- Monsieur le Premier Ministre, allez-vous laisser la privatisation du vivant se poursuivre ? Que pensez-vous de l’ autorisation et de l’ obligation par la Commission Européenne de la production et de la vente d’ OGM en Europe ? Si, comme moi, vous souhaitez protéger l’ avenir de nos enfants et sauvegarder notre patrimoine naturel, quelles seront vos propositions dans ce domaine ?

Ses collègues écologistes l’ applaudirent alors que d’ autres la vilipendèrent.

En se rasseyant sur son banc, elle souffla de soulagement. Elle était parvenue à poser ses questions.

Le Président remercia la députée et donna la parole au Premier Ministre.

Ce dernier se leva, sous les applaudissements de la majorité et de quelques ministres.

- Merci, Monsieur le Président ! Madame la députée, en raison des règles régissants les questions au gouvernement, je ne peux vous répondre qu’ à votre question concernant ce que vous appelez « la privatisation du vivant ».

Ce fut au tour des députés de l’ opposition de s’ insurger aux propos du chef du gouvernement. Le député, dont avait fait allusion Béatrice, faisait partie de la majorité. Les députés avaient compris qu’ en refusant de répondre sur ce point, il se défaussait.

Le Président dut de nouveau demander aux députés de se taire.

- Madame Boiron, dit-il en la regardant, j’ aime mes enfants, je souhaite qu’ ils aient un avenir meilleur que le mien et je souhaite également préserver les merveilles du patrimoine naturel français, mais…

Ce dernier mot fit réagir les membres de l’ Opposition, sentant venir un bémol. Des « ah » et des « oui, mais » sortirent de la bouche de certains.

- … mais je ne veux pas, sous couvert de la préservation de l’ environnement, voir la société régresser vers une époque moyenâgeuse.

Certains députés protestèrent.

- Ce que vous désignez comme la privatisation du vivant n’ est autre que la possibilité pour chaque français de consommer des produits sains et sans pesticides.

Les députés écologistes clamèrent leur indignation.

- La décision…

L’ interlocuteur ne put continuer son discours tant le brouhaha devenait assourdissant. Les cris des opposants se mêlèrent à ceux de la majorité qui défendirent le chef du gouvernement.

Le Président dut à nouveau réclamer le silence.

- La décision de la Commission Européenne, reprit le Premier Ministre après que le calme fut revenu, n’ est que la suite logique des avancées scientifiques dans le domaine agricole.

Nouvelles protestations de l’ Opposition.

- Cela dit… cela dit, madame la députée, je regrette que la Commission ait imposée la commercialisation des OGM. Car, pour moi, la Liberté doit être la voie vers laquelle toute société devrait atteindre, et non la contrainte.

Les applaudissements des députés de la majorité couvrirent les objections de l’ opposition.

- C’ est pourquoi, le Président de la République a rencontré plusieurs chefs d’ Etat européens afin d’ inciter la Commission de Bruxelles à retirer la partie obligatoire de la décision afin de permettre aux Etats de décider du niveau d’ autorisation des Organismes Génétiquement Modifiés sur leur propre territoire.

Les applaudissements redoublèrent.

- Madame Boiron, je ne crois pas, contrairement à vous, que la Décroissance puisse être une solution. Elle serait, au contraire, responsable du chômage et de la pauvreté future dans notre pays !

Son ton monta d’ un cran. Il s’ agissait d’ une stratégie de communication afin de montrer sa détermination.

- Je crois plutôt aux bienfaits de la croissance verte, aux bienfaits du développement des énergies renouvelables dans la production d’ électricité, aux bienfaits de la réutilisation des algues vertes en tant qu’ engrais pour l’ Agriculture ou comme source d’ énergie électrique, aux bienfaits de l’ innovation dans les nouveaux véhicules utilisant les énergies renouvelables…

Les huées des contestataires ne parvinrent pas à couvrir son discours. Le quatrième personnage de l’ Etat se chargea une nouvelle fois d’ intervenir en demandant le silence.

- Monsieur le Premier Ministre, interpella-t-il après une accalmie, pouvez-vous terminer votre réponse, s’ il vous plaît ! ?
- Je terminerais en précisant que si le Conseil Constitutionnel démontre que l’ interdiction de replanter les graines issues de plantes préalablement achetées constituent une entrave au principe fondamental de la liberté individuelle, alors le gouvernement agira dans l’ intérêt des français.

Il se tourna soudain vers les députés qui ne comprenaient pas pourquoi il fallait attendre l’ avis du Conseil Constitutionnel pour agir.

- J’ aimerais rappeler que cette loi a été votée alors que certains élus écologistes étaient au gouvernement. Et à cette époque, aucun de vous n’ avez saisies le Conseil Constitutionnel !

« Je trouve cela un peu déplacé d’ accuser un gouvernement des actes dont vous êtes vous-mêmes responsables !

Le Premier Ministre abaissa son micro et reprit sa place sous les applaudissements de la majorité dont les membres se levèrent en son hommage contrairement à ceux de l’ Opposition qui le conspuaient.

Le Président de l’ Assemblée Nationale remercia le Premier Ministre et annonça à l’ assemblée une suspension de séance.

Dans les rangs des écologistes, certains regrettaient l’ époque où le parti faisait partie intégrante d’ un camp politique. Depuis quelques années, les écologistes avaient évolué dans la sphère politique. Ils avaient compris qu’ il ne fallait faire partie ni de la droite, ni de la gauche de l’ échiquier politique. Il fallait être partout et nulle part à la fois.

Les faibles avancées des ministres écologistes, les nombreuses entorses de leurs alliés politiques concernant, notamment, la transition énergétique et les départs de certains membres du parti, soit pour désaccord sur la ligne politique, soit par ambition personnelle, leur avaient coûté beaucoup de voix lors des élections précédentes.

Désormais, ils utilisaient la stratégie de l’ indépendance - que certains appelèrent « la stratégie de Nicolas Hulot » - : ne jamais entrer dans un gouvernement, mais insuffler insidieusement les idées écologistes dans l’ ensemble de la classe politique.

En sortant de l’ hémicycle, Béatrice, qui était également Présidente du parti, se convainquit qu’ en maintenant cette stratégie, ils n’ auraient plus à subir ce genre de campagne de décrédibilisation du fait des erreurs gouvernementales du passé d’ ici quelques décennies. Il suffisait de s’ armer de patience.

Concernant l’ avancée des idées, l’ augmentation de la part de l’ éco-responsabilité dans l’ agriculture avec le développement de l’ agriculture biologique, de l’ agroécologie et de la permaculture lui permirent de penser que leurs idées auraient plus de poids à l’ avenir. Les lobbies allaient évoluer et les désirs de l’ électorat également, forçant les élus à changer leur position. Tous ces changements viendraient petit à petit, mais seul le long terme comptait à ses yeux.
 

 

  
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