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| Entouré des plus grands dirigeants de la planète, un verre de champagne à la main, le professeur Wörnt répondait aux questions des médias. Depuis qu'il avait réussi à créer un sérum capable d'enrayer presque toutes les épidémies, il était mondialement connu. C'était d'ailleurs pour fêter son succès qu'il avait organisé cette gigantesque réception chez lui à Los Angeles. Une fois que ses interviews furent terminées, le président américain lui glissa discrètement:
-A 20h30, rendez-vous sur votre terrasse, derrière la statue représentant la Science. Intrigué, le savant hocha imperceptiblement la tête. A l'heure convenue, il prétexta être fatigué et vouloir se reposer quelques heures et se rendit sur la terrasse, derrière la statue. Il eut la surprise de découvrir une bonne partie des dirigeants qu'il avait côtoyé durant toute la soirée. Ce fut le premier ministre anglais qui prit la parole:
-Si nous vous avons convoqué ce soir, c'est parce que vous nous semblez le plus qualifié pour la mission que nous projetons.
-Quelle est cette mission ? Demanda prudemment le professeur.
Il faudrait que vous inventiez un sérum qui puisse permettre aux humains de s'arrêter de vieillir à partir de 60 ans, et par conséquent, de ne plus mourir de vieillesse, qui ne serait alors plus une source d’ appréhension. Mais ils devraient avoir une seule manière de mourir. A vous de la choisir.
-Je vais y réfléchir, répondit le savant. Mais pendant qu'il répondait, même dans l'obscurité, ses interlocuteurs auraient pu jurer avoir vu une inquiétante lueur s'allumer dans ses yeux glacés. Puis, sans rien dire, il quitta le petit groupe et tous suivirent des yeux sa silhouette longiligne et osseuse.
Plusieurs centaines d'années plus tard.
-Voilà, c'est ça, dit Eve.
La jeune de 16 ans tenait dans sa main une petite fiole contenant un liquide transparent et la montrait à Adam. Bien qu'ils ne se soient jamais rien dit, ils s'aimaient profondément l'un et l'autre et le savaient. Ils travaillaient tous deux au Centre du Voyage et en tant qu'apprentis, ils avaient la mission ingrate de trier les dossiers. Le Centre était vide car tous étaient occupés par les préparatifs du Voyage qui allait avoir lieu. Quand les adultes atteignaient 60 ans, on leur injectait le sérum qu' Eve tenait et ils arrêtaient de vieillir. Quelques temps plus tard, on effectuait le Voyage. Cela consistait à monter dans de grands dirigeables qui allaient dans l'espace et vous emmenaient, selon ce que le gouvernement disait, sur une planète merveilleuse. C'était en quelque sorte une «solution»face qu surpeuplement que l'absence de vieillissement entrainait. Mais la triste vérité, Eve et Adam l'avaient découverte la veille. En triant, ils étaient tombés sur un dossier étrange, et par curiosité, l'avaient lu. Y était décrit en détail ce qu'était réellement le Voyage. Une fois dans l'espace, l'oxygène était remplacé par un gaz toxique qui asphyxiait les personnes à bord. Puis les morts étaient transportés, toujours à bord du dirigeable, sur une planète où on faisait disparaître les corps. En découvrant cela, ils avaient décidés d'agir
-Je commence, dit-elle. Puis elle planta ses yeux brillants dans les yeux de Adam, repoussa une mèche blonde qui lui barrait le front et continua gravement :
-Une fois l'injection faite, on ne pourra plus revenir en arrière. Il faudra partir immédiatement car le voyage a lieu dans une heure.
-Tu as un plan ?, lui demanda Adam.
-Non, pas vraiment. Une fois à bord, on devra se débrouiller pour empêcher le gaz de se répandre.
-Bon, on n'a pas de temps à perdre. Donne-moi ton bras. Sur ce, il enfonça doucement l'aiguille dans le bras d'Eve, puis fit de même avec le sien.
Ils sortirent ensuite le plus discrètement possible et se rendirent à l'aérodrome. Malheureusement, tous les dirigeables étaient gardés par des militaires, armés jusqu'aux dents.
-Mince, murmura Eve.
-Attends, j'ai gardé ma carte d'apprenti, chuchota-t-il. Puis il s'avança d'un bon pas vers les gardes, et, tendant sa carte, dit d'un ton assuré :
-Bonjour, nous travaillons au Centre du Voyage et avons pour mission d'inspecter le dirigeable n°7. Pouvons-nous passer ?
-Oui, bien sûr, c'est celui-là, répondit l'un d'eux.
Ils gravirent la passerelle et entrèrent dans une vaste pièce comportant plusieurs dizaines de tables remplies de nourriture et de boissons. Ils commencèrent à inspecter le dirigeable. Ils trouvèrent où se situait la salle de contrôle et décidèrent de s'y cacher. Par expérience, ils savaient que les dirigeables étaient pilotés automatiquement. Au bout d'un moment, ils entendirent des personnes monter à bord puis sentirent le dirigeable s'élever en un temps record, il atteignit l'espace. Le plan macabre allait commencer.
Ils se mirent tous deux à chercher la commande de gaz. Ne trouvant rien, ils paniquèrent et se mirent à appuyer frénétiquement sur tous les boutons. Tous les voyants clignotèrent tandis qu'une voix métallique dit :
-Intrus à bord. Atterrissage sur planète la plus proche. Mais déjà, le gaz se répandait. Adam se précipita sur les masques à oxygène de secours, en mit un et tendit l'autre à Eve, quand tout vola en éclat. Ils n'eurent que le temps de se baisser, puis faute d'air, la vision d'Eve s'obscurcit, le sol tourna autour d'elle, et un trou noir l'engloutit.
Une lumière aveuglante. Ce fut la première chose que vit Eve. Puis elle sentit un masque sur son visage, la main d'Adam sur la sienne. Enfin elle distingua ses traits et se redressa. Ils se trouvaient en réalité dans une étrange prairie bleutée, entourés de débris. Des particules voletaient dans l'air ;
-Où sont les autres ?, demanda doucement Eve ;
-Le gaz a fait son effet, dit Adam en détournant la tête. Viens, ne restons pas ici.
Il lui prit la main et ils marchèrent longtemps avant de s'arrêter, épuisés, à la lisière d'une forêt aux arbres immenses et exotiques. Ils s'endormirent, pelotonnés l'un contre l'autre.
Ils se réveillèrent, entourés d'Indiens aux visages et aux corps couverts d'étranges tatouages. Celui qui semblait être le chef cria dans une langue incompréhensible, et Eve et Adam se retrouvèrent cloués au sol, ficelés et bâillonnés. Ils furent ensuite emmenés au bord d'un lac, où se trouvait le reste du clan. Le chef les pointa du doigt et fit un geste qui ne trompait pas sur ses intentions. Ils furent conduits dans une sorte de prison et enfermés à double tour.
-Il faut à tout prix sortir d'ici, dit Adam. Regarde, la porte n'a pas l'air très solide, je pense qu'on pourrait l'enlever de ses gonds. Je crois qu'il y a un garde, il va falloir vite le faire taire pour qu'il n'alerte pas les autres.
Aussitôt dit, aussitôt fait. Ils saisirent tous les deux la porte et, d'un coup, tirèrent dessus ? Elle céda et ils l'abattirent sur le garde qui se trouvait juste derrière. Il fut immédiatement assommé et s'écroula. Eve et Adam coururent, traversèrent le village sous l’ ½il médusé des habitants cloués sur place et coururent à travers la forêt.
Arrivés à la lisière, ils retrouvèrent la prairie où ils avaient atterris et, s'approchant des restes du dirigeable, aperçurent un clignotement. Intrigués, ils s'avancèrent et virent qu'il provenait d'une sorte de capsule, légèrement plus grande qu'une cabine téléphonique. L'engin semblait intact.
-On dirait un module de secours, remarqua Eve en s'approchant prudemment.
-C'est étrange. Étant donné que les dirigeables sont pilotés automatiquement, il n'y a personne à bord censé utiliser cet engin en cas de problèmes, dit Adam, méfiant.
-Mais alors, cela voudrait dire que...
-Il y avait une ou plusieurs personnes à bord avec nous qui n'étaient pas censés mourir.
-Où sont-elles passées ?
-D'après ce que j'ai cru comprendre, le gaz se répand même dans la cabine de pilotage. Ce qui veut dire que ces personnes étaient forcément dans un autre endroit du dirigeable.
-Regarde ça, dit Eve, voilà la plaque de métal où le module était accroché. Il doit être retenu par cette pince. Si tu regardes à côté, on voit une autre pince. Je pense qu'il y avait un deuxième engin de secours. Ils ont dû partir au moment où nous avons été repérés. Ils ont sûrement rentrés sur Terre, et on dû prévenir les autorités. Il faut partir d'ici et se poser sur une autre planète.
Sur ce, ils grimpèrent à bord du petit vaisseau, décolèrent, et au bout de plusieurs heures de vol dans l'espace, repérèrent inconnue du répertoire de l'engin. Le détecteur indiquait une présence d'eau et d'oxygène en grande quantité. Ils se posèrent, descendirent, et doucement, main dans la main, s'avancèrent vers ce qui s'avérait être leur seul et unique avenir.
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LAUNOISJULIETTE 
