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| L’expression des valeurs : la communication
- Décollons un peu…Vous avez remarqué que quand j’ai employé le mot intégrité il a fait écho en vous à tel point que quand je vous ai décrit les première représentations corporelles, elles aussi vous les avez trouvées parlantes.
Et pourtant, qu’il y a-t-il de tangible derrière l’intégrité ? Rien comme le bois ou la pierre. Rien de tangible, de concret. Juste une représentation mentale personnelle façonnée par un système de valeurs, démocratiques ou non, interagissant les unes avec les autres.
La sonorité du mot intégrité, quelle que soit la langue est particulière. L’écrit du mot correspondant est particulier lui aussi. Comment voulez-vous que les malentendants et les malvoyants soient à l’aise dans votre société démocratique ? Vous les excluez de la pleine compréhension personnelle et partagée de certaines valeurs ?
Notre langage basé sur le corps est beaucoup plus tolérant envers ceux qu’on appelle les handicapés ou disabled dans vos sociétés démocratiques.
Je vous l’ai dit au début, une communauté met en commun des valeurs et partagent aussi la vie sur un site. L’objectif premier est de renforcer l’expression de ces valeurs. Nous avons choisi le processus de sanctification par le langage corporel.
Chaque valeur sanctifiée renforce la communauté car la transmission et la compréhension commune est enfin avérée et facilitée.
Mais nous pensons une chose, c’est qu’une fois que toutes les valeurs si c’est possible seront sanctifiées, nous aurons déjà atteint un autre niveau d’organisation et de cohésion commune car notre compréhension née de nos efforts personnels quotidiens manifestés dans l’activité musculaire aura dépassée ce que je peux personnellement imaginer actuellement.
Je n’arrive toujours pas à comprendre comment vous arrivez à prendre du plaisir à vous contraindre à ne pas laisser votre corps s’exprimer à cause du dernier épisode de télénovéla ou téléréalité.
- C’est parce que vous n’avez pas d’imagination…
Dites-moi, si les valeurs non concrètes s’expriment dans votre communauté avec le corps, vous utilisez bien les mots pour décrire les objets concrets comme les chaises, les différents arbres, les animaux, les insectes ?
- Eh bien si je vous réponds oui vous serez certainement satisfait.
C’est le cas, bien heureusement, essentiellement quand nous communiquons avec les membres de vos sociétés qui ne nous méprisent pas.
Mais il faut bien comprendre que nous avons évolué vers un tout autre langage.
En fait, si vous me dites que notre entretien ne devient pas un peu fatigant, je ne vous croirai pas.
- Pas fatigant, mais c’est vrai qu’il faut garder toute son attention.
- Un parachute je vous disais. Un tout autre langage en effet.
Partager des valeurs et la vie sur un site cela oblige à faire des efforts, en premier lieu trouver et définir un langage commun pour communiquer.
Si l’entretien n’est pas encore fatigant, il le sera à la fin et vous serez content de pouvoir vous reposer.
Le repos est une valeur sainte dans notre communauté qui ne sera jamais sanctifiée car elle est contraire à tous les principes énoncés de la vie sur site. Pour le coup, l’expression de cette valeur au challenge annuel est un véritable concours de dunks, juste pour le fun !
Le langage commun à définir dépend de ce que l’on doit communiquer.
Plus précisément, la communication est imposée par la mise en commun de plusieurs facteurs : un lieu, un moment, un état émotionnel personnel pour chaque acteur présent qui sont au moins deux.
En bref, si la plupart des situations qui peuvent amener deux membres de la communauté à communiquer sont identifiées, seule la maîtrise personnelle que chacun aura de son état émotionnel sur le moment permettra de garantir une communication saine.
Nous avons arrêté le blablabla.
Notre bouche nous sert toujours mais la plupart du temps pour chanter ou réaliser des sonorités mélodieuses comme vos instruments de musique.
A l’instar du mahatma gandhi, nous essayons de maîtriser la puissance de la parole et choisissons pour le moment de communiquer le moins possible autrement que par le corps et par l’action.
C’est-à-dire que la vie sur le site est organisée de manière simple.
Nous avons choisi de ne pas soumettre notre horloge biologique aux radiations du Césium 133 qui fixe vos secondes et toutes vos horaires d’avion, de bus ou de train, ou d’épisodes de série télé.
Sur chaque site, plutôt que de trouver un moyen de gagner démocratiquement plus d’argent que son prochain et de manger dans le meilleur restaurant démocratique ensuite, nous préférons trouver un moyen commun d’exploiter les ressources naturelles qui nous fournissent tout ce dont nous pouvons avoir besoin au quotidien, pourvu qu’on les entretienne au quotidien aussi.
Manière simple, cela signifie comme des abeilles, des fourmis. Pas l’exemple des rats que vous essayez de suivre.
En fait, une communauté c’est à l’image de vos entreprises capitalistes démocratiques : une organisation mise en place, non pas pour générer des bénéfices, mais pour répondre à des besoins de la communauté.
Besoin de manger. Besoin de se reposer. Besoin de se soigner. Besoin de se divertir. Besoin de se reproduire. Besoin d’agir pour renforcer la communauté qui me fait vivre.
Et chaque besoin est donc décomposé en chaîne de production, traitement, distribution, consommation.
Par exemple, le besoin de manger nécessite de produire la nourriture, exclusivement de la terre, de la préparer et la cuisiner pour la livrer prête à consommer comme annoncé au menu.
Et nous avons pu tout simplifier ce que cela englobe grâce à une notion qui s’appelle la surface fonctionnelle.
Un site est donc vu comme un ensemble de surfaces fonctionnelles disposées et réalisées en respect de l’environnement.
Un seul site doit permettre à ses occupants de se reposer, de manger, de se former, d’apprendre, de partager. Ce sont là certaines des fonctions pour lesquelles un espace délimité et couvert est parfois nécessaire mais obligatoirement à envisager. L’ensemble de ces surfaces constitue l’habitat.
Ce qui revient pour nous à identifier toutes les fonctions essentielles de la vie sur un site, et de construire un habitat fonctionnel pour leur permettre d’être mises en œuvre.
Les surfaces et autres dimensions d’un habitat dépendent normalement du nombre de membres qui vont y vivre. La disposition du mobilier et des effets qui y sont contenus, la décoration en un mot, dépend alors de ces membres et de leurs goûts.
- Je n’ai pas tout saisi…
- Laissez-moi résumer : un habitat est essentiel dans la vie d’un homme pour certaines fonctions qu’il a besoin de mettre en œuvre. Nous avons identifié toutes ces fonctions, puis construit nos sites en respectant certains principes simples :
- le site doit contenir toutes les fonctions.
- l’habitat réalisé sur le site doit héberger n’importe quel membre de la communauté n’importe quand.
- Le site doit pouvoir vivre avec 2 membres
- le nombre d’occupants du site ne doit pas être limité.
En quelque sorte, si dans vos sociétés démocratiques vous estimez que payer ses impôts est une fonction essentielle, vous allez construire un bâtiment comme un centre des impôts pour permettre aux gens de payer leurs impôts si cela nécessite un lieu clos et/ou couvert. Jadis, les romains ou autres passaient directement faire la récolte ou établissaient des points de paiement non couverts…
Nous ne faisons pas différemment sauf que nous n’avons pas d’impôts à payer…
- D’accord. Vous construisez en fonction des besoins, c’est cela ?
- Des besoins de qui ? Nous sommes des êtres humains vivant sur, et grâce à, la planète Terre. Nous assumons pleinement ce que nous sommes, des créatures fragiles nécessitant de s’abriter pour certaines de leurs activités. Notre habitat est donc construit non pas en fonction des besoins de la communauté dont j’ai parlé avant mais en fonction des activités qui doivent avoir lieu sur le site. Comme je vous le disais, le repos est une valeur dans notre communauté. Car jusqu’à présent, nous n’avons pas connu chez nous ni chez vous d’homme n’ayant pas nécessité de se reposer. Se reposer signifie pour nous pouvoir être en position allongée et au calme. Une chambre bien ventilée, des hamacs en plein ciel, chacun choisit son repos.
- Et il n’y a aucune particularité architecturale dans vos constructions ?
- Particularités, je ne saurai le dire. Mais j’ai mieux à vous proposer : êtes-vous d’accord pour poursuivre notre entretien sur un site pour que vous puissiez de vous-mêmes relever ce qui pourrait être des particularités pour vous ?
- Entièrement d’accord. Je vous avoue que je ne m’attendais pas à tant de « révélations ». Nous pouvons nous y rendre quand ?
- Dès que vous le souhaitez, maintenant même s’il vous chante.
- Très bien, dans ce cas, ne perdons pas de temps. Mais avant, j’aurai une question à vos poser.
- Oui ? Pourquoi est-ce que c’est moi qui ai été envoyé à cet entretien ?
- …Mais ce n’est pas possible ! Comment faites-vous ? Et ne me dites pas que c’est moi qui laisse échapper mes pensées jusqu’à vous !
- Non. Rassurez-vous, je ne connais pas d’autre moyen que l’écrit ou l’audio pour communiquer des pensées. A part le goût, le toucher et l’odorat, évidemment. Je vous expliquerai comment je fais, c’est juste une question d’entraînement.
Il y a plusieurs raisons qui ont fait que ce soit moi qui soit présent devant vous pour cet entretien, mais si vous le voulez bien, maintenant que je sais que nous allons sur un site, il me sera plus facile de tout vous expliquer sur place. Je vous demanderai de bien vouloir attendre.
- Très bien. Dans ce cas, en route !
A ce moment, la secrétaire de Claude Renoir se présenta et les interrompit.
- Monsieur Renoir ?
- Oui ?
- Un coup de téléphone pour vous. C’est la station qui vous demande de préparer un compte-rendu de cet entretien que vous avez eu.
- C'est-à-dire que ce n’est pas terminé. Je dois me rendre maintenant sur le site avec Hermès pour poursuivre l’entrevue avec du visuel.
- Je vous la passe. C’est la directrice.
- D..d’accord. Hermès, veuillez m’excuser trente secondes.
- Plus de 200 milliards de périodes de radiation du Césium 133 ! OK. Prenez votre temps.
Quinze minutes plus tard
- Vous me voyez navré Hermès, la station insiste pour que je présente un premier compte-rendu de notre entrevue. J’ai insisté en leur expliquant notre arrangement mais ils veulent me voir dès maintenant. Pouvons-nous remettre la visite à demain ?
- Bien entendu. Je passerai vous récupérer ici même. Tâchez cependant d’être disponible toute la journée.
- Entendu. Bonne route alors et à demain.
- Si Dieu veut !
Hermès s’engagea dans le couloir, passa la porte et sortit du bâtiment. Cette idée improvisée de visite du site lui était apparue comme bonne sur le coup mais peut-être que ce report va lui permettre de corriger sa spontanéité par laquelle il se trouvait souvent dans des situations qu’il ne pouvait plus maîtriser. |
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